RENOUVEAU DU MARAICHAGE A NDIOB
Un retour aux
sources et un appel à l’aide
À Ndiob,
une commune de l'Arrondissement de Diakhao Sine, dans la région de Fatick, le
soleil se lève chaque matin sur des scènes de résilience et de détermination.
Des jeunes quittent de plus en plus les difficultés de la vie urbaine à Dakar
pour se consacrer à l'agriculture. Loin de la capitale, leur quotidien est
rythmé par l'arrosage matinal et les récoltes, mais aussi par les obstacles
d'un secteur en manque de soutien.
En ce début de matinée,
le soleil se lève timidement à Ndiob. Une commune située dans l’arrondissement
de Diakhao Sine (Fatick), sur la route qui mène à Diourbel. Ablaye Ndiaye et
son frère s’activent dans le maraîchage. Chaque matin, à bord d’une charrette, ils
quittent leur quartier de Body, dans la commune de Patar Sine. Ils rejoignent leur
champ pour arroser leur culture et faire quelques récoltes. En tenue noire, une
sorte de chapelet au coup, Abdoulaye fait le tour de sa petite parcelle pour vérifier
l’avancée de ses plantations. Une fois le tour joué, il procède à quelques
coups de bêche à son champ de «bissap» (hibiscus), envahi par quelques mauvaises
herbes. Pendant ce temps, son jeune frère, Aliou Ndiaye se presse d’allumer la
machine pour arroser le jardin. « J’ai travaillé pendant 15 ans à Dakar comme
manœuvre dans les magasins. On me payait un salaire misérable. Et dernièrement, je ne me voyais plus dans ce
travail qui demande beaucoup de force», explique Ablaye, sourire au lèvre qui
montre sa fierté de ce retour au bercail. « Actuellement, je suis chez moi avec
ma famille et je développe mon propre business», rajoute le jeune homme qui n’a
aucun regret d’avoir quitté la capitale et lance un plaidoyer pour des aides ou
financements dans leur secteur.
Comme Aliou, Michel
Faye fait une vraie épreuve d’endurance pour arroser son potager avant le chaud
soleil. Son champ se trouve à une vingtaine de mètres de celui d’Ablaye. «
Ce n’est pas préférable d’arroser sous le chaud soleil. C’est la raison pour
laquelle je me dépêche pour tout arroser » dit-il. Vêtu d’un tee-shirt rouge
assorti d’un short délavé qui rend difficile l’identification de sa couleur, un
bonnet bleu visé sur la tête, Michel a jeté son dévolu dans ce domaine depuis
des années. «J’ai fait 8 ans ici. C’est un travail que j’aime beaucoup. A l’époque,
peu de gens s’intéressaient encore à l’agriculture. Ce qui fait que les terres coûtaient
moins cher. J’avais acheté ce terrain à
350 000 FCFA.» explique Michel qui montre son jardin où il cultive différentes
sortes de légumes en fonction des saisons. «Certaines légumes comme la tomate,
nous les cultivons vers le mois de décembre. Cette période de fraicheur permet
une bonne récolte. Mais actuellement, avec la chaleur, c’est la période des
aubergines, des «diakhatou » (dit aubergine africaine) et des navets que
nous cultivons jusqu’à l’hivernage», détaille le maraicher pendant qu’il
cueille quelques aubergines. Marié, Michel parvient à subvenir à ses besoins
grâce à ce champ. Cependant, à l’image des acteurs secteurs, il subit souvent
le dictat de la loi du marché. «Nous rendons grâce à Dieu car nous gagnions nos
vies ici. C’est un travail difficile, mais rentable. Nous vendons nos légumes à
Diourbel, à Bambey et à Touba. Mais nous rencontrons un problème d’écoulement»,
explique-t-il. Il ajoute : «durant les mois de janvier et février, tout le
monde récolte les mêmes légumes, et face à cette situation, le prix connait une
forte baisse. Souvent, nous vendons à perte».
«Nous n’avons jamais bénéficié de financement ni de formation»
Confrontés à ces
difficultés et faute de «moyens», ils font «tous avec les moyens du bord»,
confie Michel. «Si le marché n’est pas bien rentable, nous peinons à acheter de
l’essence pour les machines qui tirent l’eau ou avoir de l’engrais pour
l’entretien de nos champs», regrette-t-il, affirmant qu’ils n’ont «jamais bénéficié
de financements ni d’aides». «L’État doit revoir la situation des agriculteurs.
Il y a de la volonté, mais nous manquons de moyens. Si nous avions de l’aide, beaucoup
de jeunes retourneraient dans les terres de nos ancêtres au lieu de rester à Dakar»,
enchaine Ablaye qui emboite le pas à Michel. En période d’hivernage, le prix
des légumes connait une hausse, mais ils se désolent de «ne pas pouvoir beaucoup
produire» par défaut de moyens pour bien entretenir leur potager. «Certes, pendant
la saison des pluies, il y a des variétés cultivables, mais la plupart n’aiment
pas beaucoup d’eau. Avec l’eau pluviale, personne ne peut mesurer la quantité
qu’il faut arroser. Donc, il faut un véritable traitement et ce n’est pas chose
facile. Il faut des financements et une maitrise de l’agriculture. Malheureusement,
nous n’avons aucune formation dans ce domaine», déplore Michel avec le sourire
qui expose ses dents noircies. Selon eux, c’est dû à l’eau non potable, tirée
directement de la terre par les machines, qu’ils boivent.
«Nous ne maitrisons pas certains variétés de légumes»
A quelques
encablures se trouve Fentel, un quartier de Ndiob, qui abrite de plus en plus
des maraichers. L’air pressé, Ndiame Diouf court pour chasser un chien qui est
entré dans son jardin à son absence. Armé d’un gros bâton, il est vêtu d’un «sabador»
(boubou traditionnel) défiguré de couleur orange qui adopte le marron et un
grand chapeau à la tête. Contrairement à Michel, le sexagénaire ne cultive que du bissap pendant cette période. «Le
bissap est plus rentable en ce moment. Il ne demande pas beaucoup d’entretien,
ni d’engrais et ça pousse vite», glisse le vieux qui affirme vendre chaque
semaine au minimum une quantité non négligeable. «La charrette, une fois
remplie de feuille de bissap, peut générer jusqu’à 40 000 Fcfa», estime le
vieux qui s’active dans ce domaine depuis 30 ans, d’abord à Cayar avant de
retourner définitivement au bercail retrouver sa femme et ses enfants. L’un
d’eux, Sillaw, l’aide dans les travaux champêtres. «Les variétés comme
la pomme de terre et les carottes, nous ne les cultivons pas, poursuit Ndiame.
Nous n’avons aucune information pour savoir si c’est cultivable dans nos terres.»
Toutefois, «avec le nouveau régime qui avait exposé son ambition pour le
développement de l’agriculture, les choses vont changer», espère le vieux Diouf
qui souhaite mettre en place un groupement d’intérêt économique (GIE) avec ses
voisins cultivateurs.
Ami
NGOM
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